À l’embarcadère de Cernobbio :
― Nous voudrions aller à Torno [de l’autre côté du lac].
― À Torno il n’y a rien à voir, nous répond gentiment l’employé en bon français.
― C’est juste pour faire le tour du lac à bicyclette.
― Pour embarquer des vélos, je dois demander au capitaine 5 mn avant qu’il n’arrive.
― Très bien. Le prochain bateau pour Torno passe dans 10 mn [il était annoncé sur le panneau électronique].
― Non, celui-là ne va pas à Torno…
Tout ça pour dire que le lac de Côme n’est pas la Hollande ! Les vélos ne sont pas les bienvenus à bord des bateaux qui sillonnent le lac et les routes sont très étroites et extrêmement dangereuses pour les cyclistes qui sont serrés par les voitures le long de pans de mur abrupts ou dans les ruelles des villages. D’ailleurs, aucun Italien ne fait de vélo et nous dérangeons l’interminable file de SUV suisses ou milanais, dont les conducteurs considèrent qu’un vélo n’a rien à faire sur « leur » route.
Le 31 mars 2023, le sénateur Alberto Losacco a déposé le projet de loi « Michele Scarponi » concernant la distance de dépassement d’un cycliste, en hommage au coureur professionnel vainqueur du Tour d’Italie décédé en 2017 sous les roues d’un camion. Il semblerait que le gouvernement Meloni ait d’autres chats à fouetter…
Ces considérations, ajoutées au fait que les bateaux rapides ne circulaient plus pour cause d’accumulation de troncs dans le lac et que les bateaux « normaux » mettaient 5 heures pour faire un AR entre Cernobbio et Bellaghio (soit moins de la moitié du lac), ont malheureusement limité nos pérégrinations dans la région.
Autrement, les paysages du lac de Côme sont somptueux. Les flancs des montagnes plongent dans l’eau du lac et offrent dans toutes les échancrures de la rive un espace, souvent très étroit, où sont installés des villages aux mille et une villas, qui grimpent toujours plus vers les cimes des hautes collines abruptes et verdoyantes. Quand on emprunte une de ces petites routes qui montent à l’assaut des pans de montagne, on a accès à de magnifiques points de vue, mais faut appuyer sur les pédales, même avec avec un vélo à assistance électrique.
D’une longueur de 45 km, le lac de Côme est fréquenté depuis l’époque romaine ; c’est dire qu’il a une longue tradition touristique. Liszt (qui a dédié une pièce musicale aux jardins de la villa d’Este), Bellini, Stendhal, Churchill, Adenauer et beaucoup d’autres ne manquaient pas d’y venir passer leurs vacances dans l’une des prestigieuses villas où ils étaient invités. En forme d’i-grec inversé, le lac se divise en deux branches à Bellaghio, l’une abritant Côme, l’autre Lecco.
Nous étions logés à Carrate Urio, sur la rive ouest, à 11 km de Côme. Il y avait un petit café restaurant très sympa, la caffetteria Aurora, où nous buvions une bière ou mangions parfois des lasagnes. Le samedi, spectacle musical avec guitariste et chanteuse. Mais la proximité de l’église et le vacarme assourdissant des cloches n’autorisaient ni un repos matinal ni une sieste.
Côme est en pleins travaux : le bord de mer est en cours de réaménagement, on y observe de chaque côté de nouvelles promenades pavées pour piétons et cyclistes, autant dire que, par forte affluence touristique, le vélo y est une fois encore inutilisable.
En allant vers le nord, nous traversions les villages pittoresques de Carrate Urio, Laglio, Brienno, Argegno, Colonno, Sala Comacina, Tramazzo… jusqu’à Menaggio. À Laglio la villa de George Clooney, qui a dû acheter la villa contigüe pour y loger ses amis (Brat Pitt et consorts) et faire obstacle aux paparazzis. Enfin, si ça vous dit, elle serait en vente.
L’été, il y fait très chaud (il vaut mieux choisir une autre saison), car le lac, encastré dans sa vallée glaciaire, n’est parcouru par aucune risée qui annonce un souffle d’air. Pourtant, l’eau du lac est agitée en permanence, faute aux innombrables vedettes qui le parcourent sans épargner la manette des gaz.