Notre première transat était aussi une transéquatoriale : on navigue vers l’ouest, mais on navigue surtout vers le sud.
Départ de Mindelo jeudi 10 mars 2016 à 12h20 en vue d’une traversée de 1577 MN vers le Brésil, avec un arrêt de quelques jours sur l’archipel Fernando de Noronha (voir chapitre suivant), où nous arrivons le mardi 22 vers 2 heures du matin, soit une durée de 11 jours et 16 heures pour une distance de 1330 MN.
Dès le début, notre vie s’est organisée en fonction des quarts de veille, chacun assurant une veille de 2 h 45. A est de quart de 16 h à 18h45, B de 18h45 à 21h30, C de 21h30 à 00h15, D de 00h15 à 03h00, de nouveau A de 03h00 à 05h45, etc. Ainsi, les horaires changent chaque jour, chaque équipier jouit d’une longue plage de repos (sauf manœuvre nécessaire durant un quart) et ceux qui ont assuré les quarts de milieu de nuit glissent progressivement vers des horaires plus en adéquation avec l’horloge humaine et vice versa. À cela s’ajoutait (pour nous éviter un recalage horaire à l’arrivée) que notre heure de référence était l’heure brésilienne et qu’au début de la traversée la nuit tombait vers 16 h.
La moyenne (4,75 nds à l’heure) reflète les petits airs que nous avons rencontrés, rarement plus de 10 nds de vent portant, souvent moins, qui obligeaient notre moteur — compte tenu de la houle qui ballottait les voiles — à participer en soutien à la progression du bateau. Sans lui, il nous aurait fallu 3 bons jours de plus.
Ce qui devait arriver arriva : le stock de gazole était épuisé à 20 MN de Noronha, au moment où le vent du sud, quasi inexistant jusqu’alors, s’est renforcé à 20 nœuds. Pas si grave ! Nous avons fait du près et réussi à soutirer au réservoir, en jouant sur la position du tube d’aspiration, ses derniers litres, nécessaires pour mener notre mouillage à bien.
Le Pot-au-noir, de sinistre réputation, a été clément pour nous : une grosse averse sur le 5ème parallèle nord pour saluer notre arrivée, comme il se doit, de petites pluies éparses avec, au milieu, des plages de grand ciel bleu, des blocs de nuages sombres, un vent d’est faible mais constant, accompagné de quelques rafales, et une houle supportable. Il faut préciser que nous l’avons franchi à l’extrême ouest, entre 29 et 31° de longitude. Contrairement à ceux qui sont passés plus au centre, pas de tonnerre, pas d’éclairs inquiétants, pas de gigantesques nuages noirs qui déversent des trombes d’eau, pas de violentes bourrasques qui obligent à affaler les voiles.
Deux voyageurs ailés, fatigués de voler, nous ont rendu visite à bord : une hirondelle et un corbeau.
Petite fête lors du passage de l’équateur, latitude 00°00.000, pour respecter la tradition, arrosée par un excellent champagne.
La seconde (petite) partie de la transat — des îles de Fernando de Noronha à Jacaré au Brésil (environ 250 MN) ― s’est déroulée dans les meilleures conditions ; une fois passé le sud de l’île, un vent d’est de 12 nds nous a accompagnés et, dans la nuit, l’alizé du SE (25/30 nœuds) s’est brutalement annoncé sous un nuage, nous obligeant à adapter la voilure.
L’alizé de l’hémisphère sud est plus agréable que notre alizé nordique : nettement plus chaud (pas d’injection d’air polaire) et plus constant, il soulève aussi une houle moins envahissante.15 à 25 nœuds de vent nous ont permis de glisser au petit largue, sous génois réduit et grand-voile arisée, vers le Paraiba, fleuve et état du Brésil, où nous avons jeté l’ancre le samedi 26 mars à 17h30, après près de 5 mois de croisière.
C’est ici que nos équipiers suisses, Nathalia et Vincent, qui (quoique débutants en navigation hauturière) se sont toujours montrés enjoués, motivés et à la hauteur de la situation, ont abandonné le navire pour courir l’Amérique du sud ; c’est également ici que Mindelo passera son premier hiver austral.
N.B. Beaucoup de photos du ciel durant cette longue étape. Tumultueux, menaçant, coloré, sculpté par d’immenses volutes, on n’en voit pas de pareils dans nos contrées nordiques et on se demande à chaque fois ce qu’il nous réserve.
Chers Patrice et Michele,
Quelle aventure ! Merci d’en avoir fait le récit, Patrice. Quant aux photos, elles résument bien ce que vous avez pu observer.
Vous voici maintenant à même de découvrir ce coin du Brésil : j’espère que vous supporterez la chaleur et que vous profiterez au maximum de tous les sites et des particularités de la vie des habitants.
Bon séjour et gros bisous,
Martine
Bonjour à vous,
Bravo pour votre choix de vie courageux et pour le partage de vos récits et photos. Je me suis régalé de l’histoire de votre croisière de 2007 de la Sardaigne vers la Turquie. Je suis tombé sur cette perle en ayant tapé “amphitrite” sur mon moteur de recherche. Je suis en effet nostalgique de ce bateau familial dont nous avons insuffisamment profité entre 1979 et 1992 à cause de la distance entre l’Alsace et la Méditerranée et des contraintes professionnelles. Je navigue maintenant par procuration grâce à vous. Merci!