Album Julie Neige
Michèle Neinlist
Chanson dédiée à Yves Montand
Mon père a toujours vécu d’illusions
Et il n’a connu que des déceptions
Il était pétri de bonnes intentions
Reconstruire le monde c’était sa passion
Il s’est dit un jour allons au Parti
Qui jouissait alors d’une grande sympathie
Il lui ont beaucoup parlé de Stalingrad
Tous ceux qui s’appelaient ses camarades
Il voulait changer le monde
Et le rendre moins laid
Il voulait que la Joconde
Se mette à hurler
Il aimait bien tout ce mouvement
Qui le transportait
Et tous les grands sentiments
L’enivraient
Mon père a souffert qu’on le prenne pour un con
Lui qui voulait faire la Révolution
Quand Pragues est venu après Budapest
On l’a viré avant qu’il manifeste
Il a vite trouvé un autre exutoire
Où il pouvait reporter ses espoirs
Des tas d’étudiants pour toute rhétorique
Balançaient des pavés sur les flics
Il voulait changer le monde
Et le rendre moins laid
Il voulait que la Joconde
Se mette à hurler
Il aimait bien tout ce mouvement
Qui le transportait
Et tous les grands sentiments
L’enivraient
Mon père s’est réjoui de brûler des autos
Lui qui n’a jamais eu qu’un vieux vélo
Partageant l’idéal des jeunes coriaces
Sur une barricade il s’est fait une place
Et puis les copains sont rentrés dans le rang
Ils devaient retourner chez leurs parents
Poursuivre des études et être avocats
Entrer à Centrale ou à l’E.N.A.
Il voulait changer le monde
Et le rendre moins laid
Il voulait que la Joconde
Se mette à hurler
Il aimait bien tout ce mouvement
Qui le transportait
Et tous les grands sentiments
L’enivraient
Mon père est resté tout désemparé
Car il pensait bien que les choses bougeraient
Que cette jeunesse en goguette s’activerait
A refaire le monde comme il l’aimerait
En quatre-vingt-hein ? il eut un sursaut
Quand les socialos ont pris Chenonceaux
Aujourd’hui il n’a toujours pas compris
Ce qu’ils foutaient là-haut ces malappris
Il voulait changer le monde
Et le rendre moins laid
Il voulait que la Joconde
Se mette à hurler
Il aimait bien tout ce mouvement
Qui le transportait
Et tous les grands sentiments
L’enivraient
Mon père s’en fout il a cessé de poursuivre
Un mirage qu’on ne trouve que dans les livres
Il n’a plus de goût pour le cinéma
Il dort à présent sous le pont de l’Alma